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lundi 20 octobre 2014

Allons-y, Alonzo !


Ce n'est un mystère pour personne, les Français aiment jouer avec les mots. De la contrepèterie d'antan ou verlan d'aujourd'hui, du gros calembour de bistrot à la gentille charade de salon, nos chers voisins n'ont eu cesse de s'amuser avec leur langue. Ils ne sont pas les seuls, me direz-vous. Je vous l'accorde mais peu de nations (linguistiques) ont été aussi loin dans l'acrobatie langagière que les compatriotes de Voltaire (rime !). Parmi celles-ci, examinons aujourd'hui celle qui consiste à ajouter un prénom à une interjection comme, par exemple, "Cool, Raoul !", "Fonce, Alphonse !" ou "À la tienne, Étienne ! sur lesquelles s'est penchée la linguiste Marie Treps dans son livre Allons-y, Alonzo ou le Petit Théâtre de l'interjection paru en 1994 (ce qui ne nous rajeunit pas). Étant dans l'impossibilité absolue de vous offrir le livre en question que vous n'auriez au demeurant pas lu sans doute, le diablogueur a repêché pour vous un article paru dans la presse de l'époque et que vous pourrez lire en cliquant ici. Dans le dit article consacré au livre de Marie Treps, le journaliste (Pierre Enckell pour ne pas le citer) nous récolte quelques-unes de ces délicieuses locutions avec prénom incorporé et balance au passage quelques vannes bien piquantes.  À l'époque, la chaîne TV5 s'était aussi fait l'écho de l'ouvrage de Marie Treps dans son émission 1 jour 1 livre.


Le diablogueur ayant également fait ses recherches, voici d'autres exemples de ce genre d'expressions cocasses.


Ça glisse, Alice !
Relax, Max !
À l'aise, Blaise !
Tu parles, Charles !
Recule, Hercule !
Dans le mille, Émile !
C'est la vie, Lili !
Ça colle, Anatole !
À l'hospice, Maurice !
Tu m'étonnes, John !
Étonnez-moi, Benoît !
Au hasard, Balthazar !
Tout juste, Auguste !
T'as tort, Totor !
Arrête ton char, Édouard !
Tu vas m'le payer, Aglaé !

Le plus chouette et pratique, c'est qu'il n'est point nécessaire que votre interlocuteur s'appelle Aglaé ou Anatole pour que vous lui asséniez une interjection de ce type. Il n'est même pas nécessaire de respecter le sexe de votre "victime", ainsi si vous envoyez à votre meilleur ami un "C'est la vie, Lili !", il ne se sentira pas outré outre mesure. Mais attention, papillons ! N'utilisez pas ces locutions avec n'importe qui et n'importe où car elles impliquent une bonne dose de familiarité et sont souvent condescendantes, ironiques, moqueuses ou franchement sarcastiques. Le must étant l'expression avec rime, on peut aussi introduire des variantes (ne pas faire de rime, changer l'ordre ou faire un jeu de mot), voici quelques exemples.
Adieu, Berthe !
Pleure pas, Madeleine !
En voiture, Simone !
Arrête ton char, Ben Hur !
Adèle, t’es belle !
Tu rêves, Herbert !


Quant à Pierre Enckel, il nous invite à la fin de son article à nous amuser à inventer des expressions de ce genre. C'est ce que le diablogueur a fait avec ses élèves de C1. Cela a donné ceci.

A tes oignons, Odilon !
Je gère, Gilbert !
Ne me casse pas la tête, Odette !
C’est la rentrée, André !
En avant, Jean !
T’es en retard, Gérard !
Ras-le-bol, Paul !
Toujours le dernier, Olivier !
Rien de rien, Sébastien !
Prête, Yvette !
À table, Constable !
Je regrette, Juliette !
Mollo, Paulo !
Au lit, Rémi !
Prends le safran, Bertrand !
Quel vert galant, Gaëtan !
T’es allé loin, Séverin !
Comme tu es belle, Isabelle !
Odette, la vedette !
Élementaire, chère Claire !
Fous le camp, Vivian ! 
Sois tranquille, Émile !
Ramène pas ta fraise, Marie-Thérèse !
Ça pourrait être pire, Elvire !
Pas de quoi, Benoît !
Regarde ton épaule, Paule !
À ton métier, Gautier !
Quelle surprise, Élise !
À la bonne franquette, Élisabeth !
Éteins ton pétard, Médard !
T’es beau, Thibaut !
Dis oui, Ninon !
Fais pas le mariole, Anatole !
T’es humoriste, Jean-Baptiste !
Tout ce qui brille n’est pas or, Isidore !
T’es le pire, René !



Pour finir en beauté, deux vidéos. Dans la première, on voit le grand Belmondo utiliser l'expression qui a donné titre au livre de Marie Treps et par la même occasion au présent billet, la deuxième est un bel exemple d'exportation d'expression française, on y entend la même interjection lancée cette fois-ci par un sujet de sa Gracieuse Majesté dans la série Doctor Who, soit dit en passant, la plus longue série de science-fiction de l'histoire (800 épisodes), le Guiness faisant foi. C'est le héros principal (Dr Who) de la série qui répète à plusieurs reprises la célèbre locution, cherchant même désespérément quelqu'un se prénommant Alonzo. Les Anglais se moqueraient-ils de cette habitude française ?



Jean-Luc Godard Pierrot le Fou Scène du garage... por leofourastie